Raison numéro 1: Ces projets se feront au détriment du Valais
Le Valais, comme d'autres régions, risque de souffrir des coupes budgétaires dans les transports publics régionaux. Les milliards pour les autoroutes doivent être investis dans des solutions de mobilité d’avenir, pour toute la population.
En effet, élargir les autoroutes ne règlera aucun des problèmes de mobilité, cela risque même de les aggraver.
Si on redirigeait ces milliards (5,3 !) au bon endroit, on pourrait financer durablement les solutions concrètes qui améliorent réellement la mobilité de la population : un meilleur réseau de bus régionaux avec un renforcement des fréquences, des pistes cyclables sécurisées, des gares mieux adaptées pour y laisser sa voiture ou son vélo : avec la mise en place de parkings-relais et d’abris à vélo sécurisés, etc. Voilà ce dont on a réellement besoin en Suisse, à commencer par le Valais. On notera que le Conseil fédéral cherche à économiser 5 milliards dans le budget de la Confédération. Parmi les mesures d’économie présentées, on trouve la suppression des lignes de train ou de bus jugées trop peu rentables. Le Valais risque de souffrir massivement de cette attaque directe sur les transports publics régionaux. Cela renforcerait encore la dépendance automobile, au détriment de toutes celles et ceux qui ne conduisent pas : les jeunes, les personnes âgées, à mobilité réduite, etc. Même si les autorités prétendent que les fonds concernant les transports sont « cloisonnés » et « séparés du reste du budget de la Confédération », on voit que lorsqu’il s’agit d’économies, ce sont les transports publics qui en font les frais, pendant qu’on gaspille des milliards dans des méga-autoroutes totalement inutiles.
Élargir les autoroutes ne fait qu’aggraver l’effet d’entonnoir du trafic dans les localités : car toutes les voitures sur l’autoroute finissent leurs trajets dans les communes où il y a des logements, des emplois ou des loisirs. On le voit bien avec les stations de ski : si l’autoroute menant en Valais depuis Genève et Vaud était élargie et amenait davantage de trafic, le problème des flux et de stationnement des véhicules dans les stations ne serait qu’aggravé. Pour en sortir, il faut trouver des solutions intelligentes avec notamment le développement d’une offre de transports publics orientée « loisirs » avec des horaires adaptés, moins de transbordements, une aide au transport du matériel de ski ou des casiers à louer à l’année en station, par exemple.
Les autoroutes élargies seront rapidement saturées. Toutes les études en la matière le montrent : dès l’instant où l’on crée ou élargit une infrastructure de transport - c'est le cas pour l'autoroute, mais c’est également le cas pour d'autres infrastructures de transport - les gens adaptent leurs comportements et utilisent alors davantage cette nouvelle infrastructure. Ce phénomène très connu se nomme « trafic induit ». Les autoroutes élargies en Suisse, comme ailleurs dans le monde reviennent rapidement au même niveau de saturation quelques temps après, et le phénomène est particulièrement rapide et intense lorsque ces infrastructures sont dans des zones fortement urbanisées. C’est même l’Office fédéral des routes qui le prévoit lui-même : sur le tronçon Nyon – Genève, la nouvelle autoroute à 6 voies sera à nouveau embouteillée moins de 10 ans après la fin des travaux.
Les chantiers vont faire vivre un enfer aux automobilistes et aux riverain·es. Ces projets mettront des années et des années à se construire. Entre Nyon et Genève, on parle d’un début des travaux en 2033 et une mise en service au cours des années 2040. Les automobilistes subiront donc une dizaine d’années d’embouteillages encore plus importants qu’à l’heure actuelle, et les habitant·es des communes alentour subiront d’énormes nuisances, notamment à cause des importantes emprises de chantier et des flux de milliers de camions.
Raison numéro 2: Cela nous coûtera très cher
Ces projets coûtent des milliards: pour leur construction et pour l’entretien. En Valais, on a besoin d’argent pour les transports publics et pour réparer les dommages causés sur nos routes par les intempéries, comme celles de cet été.
En effet, on parle de beaucoup d’argent : ce sont d’abord 5,3 milliards investis dans la construction de ces 6 projets à Schaffhouse, St-Gall, Bâle, Berne et entre Nyon et Genève. Et ce n’est que le début puisque la Confédération planifie pour 35 milliards d’extensions autoroutières dans les prochaines décennies.
Mais aux coûts de construction, s’ajoutent les coûts d’entretien des autoroutes, actuelles comme futures. Pour l’instant, on paie chaque année 1,17 milliard pour ces travaux d’entretien. Mais plus on continue à construire de routes, plus les coûts d’entretien annuels augmentent.
Et de l’argent pour l’entretien des routes, on en a bien besoin, notamment pour réparer les dégâts causés par les intempéries, comme en témoignent les événements de ces derniers mois, notamment en Valais. Dans ces circonstances, il n’est donc pas du tout raisonnable de gaspiller des milliards dans la construction d'autoroutes à 6, 8 voies ou encore à deux étages comme cela serait le cas à Schaffhouse !
Mais attention, ce n’est pas fini : à ces coûts de construction et d’entretien, s'ajoutent les coûts externes du trafic automobile. On parle de 20 milliards annuels qui englobent les dommages du trafic routier sur la santé de la population : accidents, maladies causées par la pollution de l’air et du bruit, ainsi que les dommages fait à l’environnement.
L’ensemble de ces coûts – d’une vingtaine de milliards par an – reposent sur toute la population suisse.
Raison numéro 3: Cela détruit des terres agricoles et la nature
Ces projets autoroutiers détruiraient des surfaces importantes pour la biodiversité ainsi que de précieuses terres agricoles. Des voix s’élèvent d’ailleurs du monde agricole pour s’y opposer, à l’image de la Chambre valaisanne d’agriculture.
En effet, après AgriGenève et Uniterre, ce fut au tour de la Chambre valaisanne d’agriculture de prendre position le 18 octobre dernier contre ces projets d’extensions autoroutières, pour un motif tout à fait évident et logique : la bétonisation de terres agricoles.
En effet, on parle au total de 53 hectares bétonnés, dont des terres agricoles et notamment 10 hectares de surface d’assolement (SDA). Les surfaces d’assolement sont pour rappel les terres considérées comme les meilleures et donc les plus précieuses pour l’agriculture de notre pays.
La Chambre valaisanne d’agriculture estime « que la sauvegarde des terres agricoles, tout particulièrement la sauvegarde des surfaces d’assolement, n’est pas suffisamment prise au sérieux lors de la pondération des intérêts. La destruction de terres cultivables ne se compense pas : c’est une réduction définitive de la capacité de production alimentaire de notre pays »
Raison numéro 4: Quid de nos routes de montagnes?
En mars dernier, le Val d’Anniviers fut brutalement coupé (ou presque) du monde par le détachement de 2'000 m3 de roches sur la route entre Sierre et Vissoie. Peu de temps avant, c’était le tunnel de la Becque entre Riddes et la Tzoumaz qui s’effondrait. En décembre 2023, c’est entre Les Valettes et Champex que la route se dérobait en raison des intempéries.
C’est essentiellement pour des motifs financiers qu’on envisage d’arrêter l’entretien de certains tronçons dans les montagnes. On est donc prêt à gaspiller des milliards pour poursuivre en vain l’amélioration du confort pour les automobilistes entre les grandes villes, alors qu’on abandonnerait complètement les investissements pour l’accès – pourtant vital ! – à des villages de montagne.