Dans une interview publiée le 25 janvier dans des journaux suisse-alémaniques Tamedia, le Conseiller fédéral Albert Rösti défend les projets d’extension des autoroutes avec des arguments extrêmement discutables et plusieurs contre-vérités qu’il s’agit de rectifier.
Terres agricoles: bétonnage garanti et compensations mirages
Tout d’abord sur le bétonnage de terres agricoles pour élargir les autoroutes: Albert Rösti prétend qu’on pourra «récupérer des terres» pour les agriculteurs «dans la mesure du possible», mais il n’explique jamais concrètement comment il s’y prendra et où ces terres seraient récupérées. En démantelant d’autres routes? Ce serait absurde Une chose est sûre: les projets d’élargissement notamment dans le Canton de Berne et à Nyon vont détruire des milliers de mètres carrés de terres arables et les rendre durablement impropres à cultiver. Rien que le projet Wankdorf-Schönbühl (BE) d’élargissement à 8 voies (!) sacrifierait 13,4 hectares, dont 3,7 hectares de surfaces d'assolement. 13 hectares supplémentaires de surfaces d'assolement seraient utilisés pendant plusieurs années pour le chantier! Massacrer ces terres précieuses sous du béton contre une vague promesse illusoire de compensation? C’est un vrai marché de dupes!
Transports publics: les tarifs explosent
Contrairement à ce laisse entendre Albert Rösti, les investissements de la Confédération dans les transports publics restent bien insuffisants par rapport aux besoins réels. Un seul exemple? Les tarifs CFF, qui ne cessent d’augmenter pour les usagers·ères. Ils ont même doublé ces trente dernières années pendant que les coûts de la voiture ne subissaient qu’une augmentation minime, inférieure même à l’inflation. La concurrence déloyale entre le rail et la route est renforcée par le fait que la voiture ne couvre pas du tout ses coûts externes: pollution, bruit, accidents et autres dommages coûtent 10 milliards chaque année à la collectivité.
Source: tdg.ch
Pas de miracle électrique
Albert Rösti prétend que l’électromobilité serait une solution miracle pour résoudre le problème du climat et des transports. Certes, l’électrification du parc automobile est une nécessité pour atteindre la neutralité carbone, mais d’une part elle n’arrivera pas assez vite pour atteindre nos objectifs intermédiaires et d’autre part, tous les scénarios des experts en énergie et climat le disent: les voitures électriques ne permettront de réduire dans le meilleur des cas que 50% les émissions de CO2 du trafic, car la production de leurs batteries est fortement émettrice. Or, la loi climat votée en juin dernier stipule que dans le domaine des transports, on doit réduire les émissions de 100% d’ici 2050. Le trafic motorisé doit donc, en parallèle de son électrification, être fortement réduit, et c’est d’ailleurs ce que prévoient tous les scénarios et plans climat dans les villes et cantons. Quel sens à élargir les autoroutes si le nombre de voitures doit diminuer?
Trafic induit: Albert Rösti raconte n’importe quoi
Enfin, c’est peut-être sur la question du trafic induit que les propos de Rösti s’éloignent le plus du consensus scientifique. En effet, toutes les études et observations le montrent: oui, Monsieur le ministre, élargir les routes crée du nouveau trafic, car les automobilistes sont des êtres dynamiques qui s’adaptent à la nouvelle offre. Ce phénomène est tellement connu que les spécialistes de la mobilité l’appellent même «loi fondamentale de la congestion routière».
Parmi les milliers d’études qui démontrent cette réalité, une étude californienne a calculé que les quelques bénéfices en fluidité d’une augmentation de 10% de la capacité d'une autoroute sont annulés en maximum 5 à 10 ans. Et ce phénomène est d’autant plus que fort que la route est très embouteillée à l’origine et qu’elle se situe dans un environnement urbain ou dans une agglomération, ce qui est le cas de tous les projets prévus par la Confédération! En résumé: les bouchons seront revenus sur les autoroutes élargies en moins de temps qu’il n’aura fallu pour réaliser les chantiers. Et ils seront encore plus larges qu’avant, aggravant encore l’effet d’entonnoir à l’entrée des villes.
On le voit: les arguments du ministre Rösti pour défendre la poursuite de la folie autoroutière sont dans le meilleur des cas trompeurs et le plus souvent totalement contraires à la science.