La guerre en Ukraine révèle notre profonde dépendance aux énergies fossiles. L'indignation suscitée par le financement indirect de la guerre par nos importations de gaz et de pétrole ne doit pas faire oublier que depuis de nombreuses années, notre soif d'énergie contribue à entretenir des conflits et des régimes problématiques dans la plupart des pays producteurs. Au lieu de parler des «alternatives» comme le Qatar, la Libye ou l'Iran, il faudrait encourager au contraire le passage au train, au tram et au vélo.
L'invasion russe de l'Ukraine a mis à l'ordre du jour politique notre dépendance aux énergies fossiles russes. Les prix ont crevé le plafond et les débats sont chauds dans la Berne fédérale, en particulier en ce qui concerne le prix de l'essence. Parallèlement, les recettes des exportations de pétrole et de gaz naturel représentent pratiquement les seules transactions financières vers la Russie et donc la dernière source de financement restante de la guerre. Autant de raisons de renoncer le plus rapidement possible au pétrole et au gaz russes – mais comment s'y prendre exactement?
Dans le débat actuel, les alternatives tournent principalement autour du remplacement des sources d'énergie fossiles russes en se tournant vers d'autres États. Or, on oublie complètement qu'une grande partie des pays producteurs de pétrole sont impliqués dans des conflits problématiques. Premier exportateur mondial, l'Arabie Saoudite bafoue les droits de l'homme et mène depuis de nombreuses années une guerre au Yémen avec les Emirats arabes unis (EAU), ce qui a conduit à l'une des plus grandes catastrophes humanitaires de ces vingt dernières années. En outre, on lui reproche de soutenir financièrement des organisations terroristes comme Daech. Qu'il s'agisse de l'Iran, du Qatar ou de la Libye, notre conception des droits de l'homme, de la démocratie, de la souveraineté ou de la liberté ne coïncide pas avec la pratique courante dans ces pays.
Outre la Russie et les États-Unis, la Suisse importe son pétrole principalement du Nigeria et de la Libye. Alors qu'au Nigeria, le groupe djihadiste Boko Haram ne cesse d'effrayer la population, la Libye est plongée dans une guerre civile depuis plus de dix ans. Environ 75% des carburants suisses sont importés de l'UE sans qu'il soit possible de remonter exactement à la source du pétrole brut. Il semble qu’une grande partie d'entre eux provient des États susmentionnés, enrichissant au passage les grandes entreprises d'énergies fossiles, qui font des profits record. En forçant le trait, on peut dire que chaque paiement à la pompe finance le terrorisme, la guerre et des bains de sang.
Les propositions actuelles de baisse du prix de l'essence sont donc une impasse. Nous ne devons pas gaspiller de l'argent pour renforcer notre dépendance au pétrole, mais au contraire investir pour nous en libérer. La seule bonne réponse à la guerre en Ukraine ne peut donc être que la sortie rapide et complète des énergies fossiles.
Avec le train, le tram, le trolleybus et le vélo, la Suisse dispose de suffisamment d'alternatives. Un changement rapide serait donc une contribution importante à la paix, à la démocratie et à la protection du climat.