Communiqué de presse · Genève, le 24 mai 2022
Formellement porté par trois associations et six individus et soutenu par une large coalition de 12 organisations regroupant les milieux favorables à la mobilité douce et à l’environnement, à la protection des personnes vulnérables et à la qualité de vie dans les quartiers, le recours contre la suppression des «bandes COVID» de l'axe Georges-Favon - Coulouvrenière - Terreaux-du-Temple, obtenue du Tribunal administratif de première instance par le TCS, a été déposé.
Les recourants demandent notamment à la Cour de justice de constater que le jugement de première instance se fonde sur une base légale à la fois inconstitutionnelle et contraire à l’Accord de Paris. Il s’agit d’un article de la loi cantonale sur les routes de 1967, selon lequel «les réseaux [routiers] primaire et secondaire sont affectés prioritairement au trafic motorisé public et privé. Leur aménagement est conçu en ce sens». Par réseaux routiers primaire et secondaire, il faut entendre l’ensemble des routes et rues du Canton, à l’exception des réseaux routiers internes aux quartiers. Dans leur argumentation, les recourants estiment qu’au regard de l’égalité dans et devant la loi, cette priorisation du trafic motorisé privé sur la mobilité douce viole le principe du libre choix du moyen de transport garanti par la Constitution genevoise (art. 190).
Aux côtés de l’Association transports et environnement (ATE), de Mobilité piétonne et de l’AVIVO, le groupe des recourants compte une riveraine, deux cyclistes, deux piétons, et même un automobiliste. Leur avocate rappelle que «ce sont les milieux de l’automobile qui ont fait inscrire la liberté du choix du moyen de transport dans la constitution cantonale, au début des années 2000. Ils pensaient sans doute qu’ils seraient seuls à l’invoquer. Or la Constitution protège aussi les cyclistes et les piétons. Et pour ces usagers de la route, pas de liberté sans sécurité».
Mère de deux enfants en âge scolaire, Loyse Graf explique: «Ces bandes nous permettent d’aller de Plainpalais aux Grottes en famille, chacun sur son vélo, en toute sécurité, ce qui était exclu avant. S’ils les suppriment, nous devrons prendre à nouveau les transports publics».
«Ce sont aussi ces lois obsolètes qui empêchent la Suisse de remplir les engagements qu’elle a pris avec l’Accord de Paris, ainsi que d’autres obligations de protection de la santé et de l’environnement», surenchérit Julie de Dardel, riveraine des aménagements litigieux, qui recourt en faveur de sa fille de 10 ans scolarisée dans ce secteur: «Outre les émissions de CO2 qui ne baissent pas suffisamment vite, et pèsent sur l’avenir de mon enfant, il y a une problématique très concrète de pollution de l’air dans ce secteur où nous vivons. Les valeurs limites dangereuses pour la santé sont dépassées en permanence, essentiellement en raison du trafic automobile».
Dans la mesure où le jugement querellé rétablit la situation antérieure de cohabitation, sur le trottoir amont du Pont de la Coulouvrenière, entre cyclistes et piétons, Maryelle Budry, piétonne, s’est jointe au recours: «Je ne me sens pas en sécurité lorsque les cyclistes sont sur le trottoir, et je n’ai plus de plaisir à flâner. Nous n’allons pas à la même vitesse qu’eux, parfois je m’arrête, j’hésite, alors qu’ils vont tout droit et souhaitent avancer. A mon âge, je ne sais pas comment je me remettrais d’un accident».
Enfin, Olivier Perrin Riondel, ferronnier indépendant, recourt de son point de vue d’usager professionnel de la route : «Les routes ont une capacité limitée, tout le monde ne peut pas prendre la voiture tout le temps. Il faut que les alternatives soient attrayantes pour libérer un peu de place en faveur de ceux qui n’ont pas d'autre choix que d'utiliser un véhicule: les professionnels, qui doivent transporter du matériel, et les personnes à mobilité réduite».
Me Laïla Batou rappelle aussi que, «moyennant l’existence d’une base légale, une liberté garantie par la Constitution peut être limitée, de façon proportionnée, par des intérêts publics contraires, comme la lutte contre le réchauffement climatique, contre la pollution ou les nuisances sonores. Or, au contraire des automobilistes, les cyclistes et les piétons n’engendrent aucune de ces trois nuisances. La Suisse s’est engagée à réduire structurellement les émissions générées par les transports pour l’année 2020, qui sont pourtant restées stables – à l’exception de la baisse ponctuelle liée aux restrictions sanitaires. Les efforts de réduction du trafic automobile sont donc insuffisants. S’il y a une liberté que la loi doit limiter, aujourd’hui, c’est donc bien celle de choisir ce mode de déplacement, du moins lorsqu’il existe une alternative».