L’association actif-trafiC a dénoncé ce matin l’arnaque de l’initiative « pour un financement équitable des transports », émanant du lobby routier, qui demande d’allouer tout l’argent de l’impôt sur les huiles minérales à la construction de routes. Lors d’une action sur la place de l’Europe à Lausanne, la gueule grande ouverte d’une voiture déguisée en prédateur aux dents effrayantes engloutissait des liasses de billets.
L’acceptation de l’initiative entraînerait la construction de routes inutiles avec à la clé plus de trafic et davantage de mitage du paysage. La Caisse fédérale perdrait 1.5 milliards de francs. Cet argent manquerait cruellement pour la formation et la recherche, les transports publics, l’agriculture, la coopération au développement et les cantons.
Non au mythe des automobilistes tondus
Le trafic routier motorisé n’est pas une vache à lait qui financerait les autres usagers de la route comme le prétendent les initiants. Au contraire, « le trafic routier ne couvre pas du tout ses coûts réels. L’Office fédéral du développement territorial estime que les coûts externes non couverts de la route se montent à plus de 8,5 milliards de francs par an. Ils incluent les accidents, le bruit, les problèmes de santé dus à la pollution atmosphérique, les dégâts aux bâtiments, les changements climatiques, les dommages à la nature et au paysage et les pertes agricoles et forestières. », a expliqué Andréa von Maltitz, co-secrétaire d’actif-trafiC.
Son collègue Thibault Schneeberger complète : « S’il y a des vaches à lait dans ce pays, ce sont en réalité les usagers·ères des transports publics (TP), dont les tarifs ont augmenté de 70% en 25 ans, contrairement aux coûts de la voiture qui, en tenant compte du renchérissement sont restés globalement assez stables. C’est pourtant l’inverse qu’il faudrait ! »
Non aux coupes dans d’autres domaines de la Confédération
Si l’initiative était acceptée, il manquerait 1.5 milliards dans la Caisse fédérale. Les victimes en seraient en premier lieu la formation et la recherche (comme l’EPFL) et les transports publics. Les régions se verraient contraintes de sabrer dans les transports publics et de supprimer des lignes de bus et de train, tout le contraire de la volonté affichée par les autorités. Mme la Conseillère d'Etat vaudoise Nuria Goritte vient de soumettre fin avril 2016 au Grand Conseil quatre projets de décrets pour améliorer significativement la mobilité de l'agglomération Lausanne-Morges. Il s'agit notamment de lancer la réalisation du chaînon manquant entre les RER et les lignes de bus : un tram entre le Flon et Renens. « La construction de ces infrastructures représente un investissement de 287 millions de francs pour le Canton) et c’est ce type d’investissements indispensables qui est menacé par l’initiative. » a complété Andréa von Maltitz.
Non à une politique des transports dépassée
Du point de vue de la politique des transports, l’initiative est un pur anachronisme. Vouloir dépenser davantage d’argent pour des autoroutes correspond à un mode de pensée dépassé issu des années 1950 et 1960. L’initiative ne résout pas les problèmes de trafic dans les agglomérations, elle met même en danger le fonds pour l’infrastructure ferroviaire acceptée par le peuple en 2014 et elle n’apporte aucun argent supplémentaire pour les cyclistes, les piétons et les transports publics, bien au contraire !
Non au bétonnage du territoire
Le nombre de véhicules à moteur (voitures de tourisme, camions et motos) ne cesse d’augmenter en Suisse et les distances s’allongent. L’automobilisation croissante est synonyme de mitage du territoire. « Déjà aujourd’hui, près d‘un tiers de la surface construite est affectée au trafic. 88% des surfaces dédiées au trafic (soit 107 mètres carrés par personne) sont consacrées aux routes et autoroutes. Cela correspond au double de la surface habitable par personne (45 m2 en 2014) ! Durant les 25 dernières années, les surfaces affectées au trafic ont augmenté de 16% (121 km2). Cet accroissement est presqu’exclusivement dû à l’extension du réseau de routes nationales. Il faut mettre un coup d’arrêt à cette tendance, et l’initiative ne ferait que l’empirer. » affirme Andréa von Maltitz.
Non à davantage de pollution
L’initiative entre également en contradiction avec les objectifs climatiques de la Suisse. Pour atteindre ces objectifs, la part du trafic individuel motorisé doit impérativement diminuer ces prochaines années. « En 2013, les émissions de CO2 imputables aux transports totalisaient 16,1 millions de tonnes, ce qui correspond à 38% des émissions de CO2 de la Suisse. Entre 1990 et 2013, les émissions de CO2 imputables aux transports se sont accrues de 12%, ce qui en fait le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre du pays ! » explique Thibault Schneeberger.
Ne pas baisser la garde, même en cas de refus de l’initiative le 5 juin
« Si bon nombre de personnalités issues des rangs de la droite ont retourné leur veste ces dernières semaines au sujet de l’initiative pour finir à appeler à la refuser, nous ne nous faisons pas d’illusion : c’est sans doute davantage pour des raisons de timing et de tactique que par divergence idéologique avec le texte « vache à lait ». Nous ne baisserons donc pas notre vigilance en cas de NON dans les urnes. En effet, plusieurs d’entre eux seront sans doute tentés de donner à nouveau des gages au lobby routier d’ici aux prochaines élections. »
Contact : Thibault Schneeberger - Andréa von Maltitz