Le NON exprimé dans les urnes le 24 novembre reflète une opposition à l’augmentation du trafic automobile, mais aussi un soutien à une meilleure politique climatique et au développement des transports publics et du vélo. Le rôle des femmes et la mobilisation générale ont été décisifs. Cette décision marque le début d’une nouvelle politique des transports.
Deux sondages post-électoraux (LeeWas et gfs) ont révélé que la principale motivation des votant ·es du NON était la crainte d’une augmentation du trafic automobile, des embouteillages et de la pollution. Plutôt que d’investir dans l’extension des infrastructures autoroutières, ils estimaient qu’il fallait donner la priorité aux transports publics et aux mobilités actives. Pour la grande majorité de celles et ceux qui ont rejeté le projet, la prise de conscience que davantage de routes entraînent davantage de trafic a été un facteur déterminant dans leur décision.

Les femmes et les personnes précaires
La mobilisation populaire réussie a été un élément clé du résultat de la votation. Le rejet de l’extension autoroutière à l’échelle nationale s’explique en grande partie par la forte proportion de NON parmi les femmes (61 %), ce qui a fait basculer l’issue du vote. À l’inverse, les hommes auraient voté OUI à 56 %. Fait notable, la participation des femmes a été aussi élevée que celle des hommes, alors qu’en moyenne, elles votent moins souvent (41 % contre 49 % pour les hommes).
Outre ce « gender gap », les différences de revenus ont également joué un rôle déterminant. Près des deux tiers des personnes gagnant moins de 4000 francs par mois ont voté non, tandis que celles percevant plus de 13 000 francs ont majoritairement soutenu le projet. Ces deux facteurs sont d’ailleurs liés, puisque les femmes sont surreprésentées parmi les personnes aux revenus les plus bas. De plus, les résultats confirment une corrélation entre un revenu élevé et une plus grande possession ainsi qu’une utilisation accrue de la voiture.
Pas d’intention xénophobe dans le NON
A l’heure des commentaires du résultat de la votation, Albert Rösti et plusieurs journalistes se sont empressé d’expliquer ce refus de projets autoroutiers comme la manifestation d’un élan conservateur, opposé à toute croissance de la population… voire xénophobe, contre l’immigration et les frontaliers. Le sondage à la sortie des urnes « LeeWas » publié le lendemain a pourtant révélé que les principaux arguments du camp du NON étaient la crainte d’une augmentation du trafic et d’une énième atteinte au climat. Malgré ces données, cette analyse « antiimmigration » continué d’être invoquée. Mijanvier, un sondage complémentaire du même institut de recherche a – espérons-le – définitivement écarté ce motif : sur 3113 personnes interrogées, l’immigration n’a été citée que deux fois.
Le fait que cette interprétation erronée ait été si souvent répétée ne révèle pas seulement des voeux pieux de la droite bourgeoise. Cela con- firme également le fait scientifiquement prouvé que les politicien·nes ont généralement tendance à croire que la population est plus conservatrice qu’elle ne l’est en réalité.
Les régions concernées n’ont pas voulu d’autoroutes
Il est également faux d’affirmer, comme l’a fait Albert Rösti directement le dimanche de la votation, que la part de OUI a été plus importante dans les régions qui avaient un projet. Un coup d’oeil sur la carte des résultats de la votation montre que la grande majorité des localités directement concernées ont voté NON. Parmi elles, les villes de Bâle, Berne, Genève, Nyon, Schaffhouse et Saint-Gall, mais aussi de nombreuses communes comme Birsfelden, Bolligen, Ittigen, Urtenen-Schönbühl, Versoix et Zollikofen se sont prononcées contre l’extension de l’autoroute. Mais il est vrai aussi que de nombreuses régions non concernées ont également dit NON. Selon les sondages post-électoraux, ce sont les mêmes arguments qui ont convaincu : trafic supplémentaire et climat. Et non pas le désir, évoqué par M. Rösti, d’avoir des autoroutes devant sa propre porte. Ainsi, à la question posée par l’institut gfs de savoir si les personnes interrogées approuveraient le « principe » de nouvelles extensions autoroutières, le NON l’a emporté à 51 % contre 48 %.
Quelle suite?
Pour nous, il est clair que cette décision est historique : pour la première fois, la population a refusé l’extension des autoroutes. La majorité s’est donc prononcée en faveur d’un système de transport compatible avec les défis de la crise climatique. Les autoroutes ne doivent donc plus être étendues. Les milliards qui étaient destinés à l’extension des autoroutes sont urgemment nécessaires ailleurs, par exemple pour l’extension des bus, des trams et des RER, mais aussi pour l’infrastructure cyclable. Pour les autoroutes, il ne faut dépenser que ce qui est nécessaire à l’exploitation et à l’entretien.
La réévaluation de tous les projets autoroutiers annoncée par Albert Rösti, et donc le potentiel retour par la fenêtre des projets autoroutiers rejetés par la population, est inacceptable. Il en va de même pour l’idée de lier à l’avenir les autoroutes et les projets de transports publics et de prendre ainsi les transports publics « en otage » pour faire passer de nouvelles autoroutes. Nous serons très attentifs à ce que M. Rösti projette de faire et nous sommes prêts à lancer un nouveau référendum si cela s’avère nécessaire.