Dans le débat sur la politique des transports, l’opinion dominante est que seuls les transports publics sont subventionnés par la collectivité. En réalité, le trafic automobile génère des coûts énormes qui sont répercutés sur toute la population, qu’elle conduise un peu, beaucoup ou pas du tout. Il est grand temps d’y remédier.
Qui n’a jamais entendu que les transports publics (TP) seraient trop chers et sont trop grassement subventionnés ? Le lobby automobile le répète à l’envi. Pourtant, on rappelle moins souvent que le trafic automobile génère des coûts de plusieurs milliards à la collectivité : bruit, pollution, accidents, atteintes au climat, etc. Les chiffres publiés l’automne dernier par la Confédération après une mise à jour de la méthode de calcul des dommages « indirects » montrent désormais que ces coûts ont été largement sousestimés jusqu’à présent. En Suisse, le trafic automobile privé génère environ 20 milliards de francs de coûts externes par an !
Où est passé le principe du «pollueur-payeur»?
Le principe du pollueur-payeur inscrit dans la Constitution pour les mesures environnementales n’est pas appliqué. Par le biais de diverses taxes, les automobilistes financent tout au plus l’entretien et l’aménagement des routes cantonales et nationales. L’argent ne suffit même pas à financer les routes communales, qui représentent pourtant la plus grande partie du réseau routier en termes de surface. Celles-ci sont financées par les caisses générales de l’État – donc également par les piéton·nes et les cyclistes.
Multiplier par quatre les taxes?
Pour comprendre l’ordre de grandeur du problème, il suffit de jeter un coup d’oeil aux recettes issues des taxes automobiles : 5 milliards de francs en 2019. Il faudrait donc au moins quadrupler les taxes pour couvrir les coûts externes du trafic. Ce ne sont pas des augmentations homéopathiques du prix du carburant de 4 centimes/litre (évoqué en novembre dernier) ou de 12 ct/litre (loi sur le CO2), qu’il faudrait en théorie, mais bien plutôt une augmentation d’environ + 3 francs / litre !
Beaucoup de gagnant·es
A première vue, cela ressemble à un projet politique perdu d’avance. Mais on doit relever qu’il ferait de nombreux gagnant·es. Car les coûts de la santé explosent, le financement de la 13e rente AVS n’est pas clarifié, un paquet d’économies drastique a été présenté, l’agriculture souffre de plus en plus d’événements météorologiques extrêmes et le développement de l’infrastructure ferroviaire devient trop cher. Un impôt sur les voitures qui rapporterait environ 20 milliards de francs par an résoudrait une grande partie de ces problèmes.
Les personnes à faible revenu en profiteraient
Les plus modestes profiteraient proportionnellement plus que les plus nantis de l’allègement des primes d’assurance maladie, d’un financement de la 13e rente AVS sans hausse de la TVA et de transports publics abordables. Comme les personnes peu fortunées se déplacent en moyenne nettement moins souvent en voiture que celles qui gagnent beaucoup, elles seraient gagnantes.
Pourquoi les automobilistes devraient-ils financer les soins de santé, l’AVS et les transports publics ? Avec le bruit, la pollution de l’air et les accidents, la circulation automobile engendre une hausse des coûts de santé, dont les effets n’apparaissent souvent qu’à un âge avancé. Une contribution adéquate aux coûts de la santé et à la prévoyance vieillesse fait donc sens. La promotion des transports publics permet en outre d’accélérer le passage à un mode de transport moins nocif et de résoudre le problème à la racine.
Il est grand temps d’agir
La réforme à venir du financement des transports offre donc l’opportunité d’établir enfin la vérité des coûts et d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Deux principes libéraux élémentaires qui devraient en théorie être approuvés jusque dans le camp bourgeois. La condition de base est toutefois la reconnaissance du fait que ce ne sont pas les transports publics, mais bien le trafic automobile qui est subventionné par la collectivité. Il faut mettre fin à cette situation en réorientant le financement des transports.

Avec 20 milliards de francs par an, le trafic automobile se taille la part du lion des coûts externes des transports.