Élargir les autoroutes renforcera le flot de voitures vers les villes et villages alentour. Hors des localités, l’aménagement risque d’être encore plus centré sur la voiture, aggravant le mitage du paysage et verrouillant la dépendance automobile.
Les automobilistes ne travaillent pas tous dans les « restauroutes » et ne dorment pas sur les aires de repos : les voitures qui circulent sur les autoroutes en sortent forcément à un moment pour rejoindre leur logement ou leur destination (travail, loisir, etc.), engorgeant alors les localités. Croire que les autoroutes servent à « canaliser » les voitures et permettent d’alléger le trafic de transit dans les communes, c’est oublier qu’elles ont aussi une fonction de « déversoir ».
Dans les villes, cela met en péril le rééquilibrage de l’espace public en faveur de la mobilité durable. Les remontées de file sur l’autoroute devant être évitées pour des raisons de sécurité, les grandes routes urbaines où les sorties d’autoroutes débouchent ne pourront donc pas réduire leur nombre de voies dédiées au trafic motorisé. Des projets de pistes cyclables ou de voies bus sur ces axes sont déjà souvent refusés sous ce prétexte.
Entonnoir urbain et villages submergés
À moins de raser des immeubles, on ne peut pas étendre l’espace routier en ville. Élargir les autoroutes va donc aggraver l’effet « entonnoir » ! Des autoroutes à six voies déverseront très péniblement leur trafic sur des axes urbains déjà saturés, et la réduction de la place de la voiture dans les villes deviendra encore plus difficile. Ces projets vont donc complètement à l’encontre des politiques de réduction du trafic motorisé de la plupart des villes : pas étonnant que Nyon, Berne ou Genève s’y opposent.
Le syndic de Chavanne-de-Bogis – petite commune proche de l’autoroute Nyon-Genève – défendait à la RTS l’élargissement de l’A1 pour « fluidifier » la colonne de 1 à 2 km qui traverse sa localité matin et soir. Mais cela ne se produit jamais ainsi ! L’autoroute Annecy – Genève qui devait soulager le trafic intense traversant la commune de Cruseilles (F) n’y a apporté un soulagement que très temporaire. En moins de six ans, les bouchons y sont revenus encore pires qu’avant … pendant que l’autoroute se remplissait ! Il en ira de même à proximité de nos autoroutes.
Développement centré sur la voiture
Ces infrastructures induisent un certain type de développement, à l’extérieur des centres-villes : chaque nouvelle voie d’autoroute, échangeur ou jonction entraîne la construction de lotissements, de lieux de travail ou de centres commerciaux tous accessibles uniquement en voiture. Des zones souvent de faible densité, en contradiction avec la compacité – ville à 15 minutes – requise par un aménagement durable.
Là encore, agrandir les autoroutes ne fera qu’aggraver les problèmes.