Les experts climat et énergie sont clairs : atteindre la neutralité carbone en faisant tenir l’équation électrique est un défi immense, mais réalisable à condition de réduire le trafic motorisé. Tour d’horizon des différents scénarios.
La Loi Climat de juin 2023 exige une baisse des émissions des transports de 57 % d’ici 2040 et de 100 % d’ici 2050. Atteindre ces objectifs en prenant en compte l’entier du cycle de vie des véhicules (cf. p. 5) signifie prendre un vrai tournant en matière de mobilité, totalement contradictoire avec l’élargissement des autoroutes.
Localement, les plans des lieux concernés − sont clairs:
- Le plan climat du Canton de Genève adopté en 2019 prévoit une réduction du trafic de –40 % d’ici 2030 et de –80 % d’ici 2050. Idem pour la stratégie climat de la Ville de Genève qui soutient «un objectif global à l’horizon 2030 de diviser par deux les distances parcourues en transports individuels motorisés» en «réduisant le gabarit des chaussées» et en supprimant du stationnement.
- Le plan climat du Canton de Vaud vise –50 à –60 % d’émissions d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050. Plusieurs mesures visent à réduire le trafic.
- À Bâle-Ville, un vote populaire a ancré l’objectif de neutralité carbone pour 2037. La stratégie climat du Conseil d’État vise à diminuer le nombre de kilomètres parcourus en voiture.
- Dans le Canton de Berne, l’exigence du zéro net en 2050 est inscrite dans la Constitution et la stratégie cantonale de mobilité globale 2022 requiert explicitement un trafic neutre en carbone d’ici 2050.
- À St-Gall, le contre-projet à Climat Urbain adopté par la Ville veut convertir 200 000 m2 de routes : diamétralement contradictoire avec une autoroute élargie !
- Le Canton de Schaffhouse vise, dans sa stratégie climatique, une réduction d’ici 2030 des émissions liées à la mobilité d’un tiers par rapport à 2016. Pour donner un ordre de grandeur, si on décidait plutôt d’allouer ces 5,3 milliards à la mobilité d’avenir, on pourrait alors construire deux RER comme le CEVA à Genève, 4 lignes de tramway et 200 km de pistes cyclables. Autrement dit : au lieu d’aggraver encore la situation avec des monstres projets autoroutiers nocifs et inutiles, on pourrait localement faire des pas décisifs vers la sortie de la dépendance automobile.
- Pour le tournant dans la mobilité dont nous avons besoin, les transports publics auraient besoin d’investissements massifs pour développer le réseau, améliorer les fréquences et la desserte, mais aussi baisser leurs tarifs. Car, depuis 1990, les prix des billets CFF ont doublé, pendant que les coûts de la voiture n’ont connu qu’une hausse très modeste, inférieure même à l’inflation. La nouvelle hausse 2024 des tarifs CFF s’inscrit dans cette tendance délétère.
Au niveau international, l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) exige de renoncer à toute nouvelle infrastructure d’énergie fossile. Les autoroutes, lieux par essence de consommation de pétrole, devraient être considérées comme telles ! L’AIE recommande par ailleurs une limitation à 100 km/h sur toutes les autoroutes dès 2030.
Le Forum International des Transports conseille lui de transférer le trafic sur le rail et demande aux pouvoirs publics de « revoir leur conception de la planification : au lieu de fournir des infrastructures en fonction des prévisions de la demande, il faudrait suivre l’approche ‹décider et fournir›. » L’inverse de ce que fait la Confédération !
Les émissions grises de la construction de ces extensions autoroutières sont un autre obstacle, souvent négligé, à l’atteinte de nos objectifs climatiques. Selon des calculs publiés dans LaRevueDurable, la seule construction des cinq projets autoroutiers qui seront soumis au vote émettra 1 million de tonnes de CO2 : l’équivalent des émissions annuelles du Canton de Neuchâtel !
On le voit : la plupart des scénarios climat / énergie qui prennent en comptent l’impact global des véhicules pointent vers une réduction du trafic… élargir encore les routes n’est donc tout simplement pas sérieux !